Ces abus existaient depuis toujours avec l’ancien parti au pouvoir et les syndicats. Ils continuent, aujourd’hui, avec ces derniers.
Le scandale des emplois fictifs de syndicalistes n’a pas ébranlé, outre mesure, l’Ugtt. Son secrétaire général se veut imperturbable et affirme que c’est à la justice de faire son travail. L’opérateur de transport (Transtu), lui, a reconnu, officiellement, l’existence d’un tel trafic et qu’une enquête serait en cours pour faire toute la lumière sur ce manquement grave.
Quant à l’opinion publique, elle ne s’étonne pas devant ces révélations qui, somme toute, sont la confirmation de ce que tout le monde constate et vit au quotidien. Donc, ce n’est que la partie émergée de l’iceberg. Des agents qui sont payés, régulièrement, sans qu’ils effectuent le moindre travail sont légion dans tous les secteurs et, particulièrement, dans le secteur public.
Emplois parallèles
Depuis 2011, ces pratiques sont devenues monnaie courante avec l’intégration en masse d’ouvriers et d’intérimaires ainsi que la « régularisation » de la situation des ouvriers des chantiers (par milliers). L’exemple des sociétés comme la CPG et les sociétés de l’environnement en sont l’illustration la plus importante.
Évidemment, ces abus sont entrés dans les traditions et on voit, même, que certains ne s’offusquent guère de s’adonner à d’autres activités parallèles sans se manifester dans leur lieu d’affectation. C’est ainsi que des milliers de ces gens qui se plaignent d’occuper des « emplois précaires » empochent, indûment, des salaires sans fournir aucun service. Pendant ce temps, ils consacrent tout leur temps à d’autres tâches parallèles sans être inquiétés. Ils ont, s’il vous plaît, la protection syndicale la plus puissante. Personne n’a osé leur demander des comptes car chacun veut éviter des confrontations et des conflits créés de toute pièce pour masquer la réalité.
En tout cas, ce statu quo arrange tout le monde. Mais, devant la prolifération de ce phénomène, il serait, de plus en plus urgent, de réagir et de sévir en prenant les mesures disciplinaires qui s’imposent. Ceux qu’on appelle les partenaires sociaux (syndicats) doivent, eux aussi, montrer plus de sérieux à assumer leur rôle véritable qui ne consiste pas à « défendre les intérêts » des ouvriers envers et contre tout.
Dictature syndicale ?
Seul l’intérêt suprême du pays doit compter. Ces syndicats ne pourront jouir d’aucune crédibilité auprès des Tunisiens s’ils se contentent de fermer l’œil sur ces agissements. Ce qui se passe, actuellement, porte préjudice à cette grande organisation nationale et la décrédibilise fortement. Cette image que l’on avait d’elle est ternie, aujourd’hui, par des dépassements et des dérapages de certains de ses responsables. Les dégâts causés (à tort ou à raison) à l’économie du pays ne sont pas à démontrer. Il est, alors, temps que ces gens observent une pause et révisent leurs politiques.
Leur implication dans la vie politique est de plus en plus pesante et contraignante. Car, bien qu’ils se défendent de faire de la politique, les nouvelles orientations sont là pour montrer le contraire de ce qu’ils disent. Pire, ce qu’ils font n’est autre qu’une déviation et une dérive autoritaire. Celle-ci a mené beaucoup de régimes politiques à la dictature. De là à parler d’une dictature syndicale, il n’y a qu’un pas que beaucoup de Tunisiens ont franchi.
Les contreperformances économiques sont, dans une large mesure, dues aux actions de grèves et de débrayages dans les plus importants secteurs d’activité aussi bien publics que privés. Le soutien aveugle apporté à tout mouvement de protestation sociale ne fait qu’envenimer, davantage, un climat social déjà exécrable. Les statistiques officielles expliquent ce marasme ambiant qui s’accentue de jour en jour sans qu’aucune partie syndicale ne s’en soucie ou pense à privilégier l’intérêt du pays.
Dans leur dernier rapport, les services de l’inspection du travail ont indiqué que 116.882 journées de travail ont été perdues, en 2018, pour cause de grèves. Selon les statistiques du ministère des Affaires sociales, 119 grèves ont été organisées dans les établissements publics et privés, durant les 6 premiers de cette année-là, dont 106 dans le privé (soit 89 %).
Transtu : sureffectif
A cette hémorragie, vient s’ajouter cette nouvelle violation grave du code du travail. Ce qui s’est passé à la Transtu ne peut en aucun cas honorer le vrai syndicalisme prôné par nos grands leaders tels les Farhat Hached ou Habib Achour qui ont été à la hauteur de leur mission dans la plupart des phases de leur militantisme. L’Ugtt ne pouvait être un tremplin pour satisfaire des ambitions personnelles.
Aussi, considère-t-on, légitimement, que 160 agents (et qui plus est syndicalistes) soient payés sans faire le moindre travail est un coup dur à l’image du travail syndical. Ces privilèges, certes, existaient depuis longtemps. Avant 2011, le parti au pouvoir disposait d’un grand nombre de ses militants dans les différentes administrations. Leurs responsables leur accordaient des autorisations spéciales leur permettant de s’absenter sans avoir à craindre des mesures de rétorsion. On en a fait de même avec les syndicats pour équilibrer les choses.
De nombreux syndicalistes avaient bénéficié de tels avantages ou de rabattements horaires de façon tout à fait « légale ». Les militants du parti ont, maintenant disparu mais ceux des syndicats sont restés. Ils continuent de jouir des avantages que leur permettent leur statut et la toute puissance de leur organisation. Qui osera, parmi les responsables, demander des comptes à un délégué syndical ?
Pour avoir la paix, mieux vaut les éviter, pense-t-on.
Dans le cas de la Transtu, (et dans de nombreuses entreprises publiques) la situation ne cesse de s’aggraver. Déjà, en 2016, des responsables avaient signalé le niveau de détérioration auquel était parvenue la société. 440 salariés étaient non productifs (dont 300 sont déclarés totalement inaptes et 140 autres en sureffectif). Quant au taux d’absentéisme il a quasiment triplé après 2010. Alors qu’il n’était que de 17 jours d’absence par agent et par an, il est actuellement de 49 jours. A cela il faut ajouter la charge salariale qui pèse lourdement sur le budget de la Transtu. Comme si cela ne suffisait pas, l’intégration anarchique de 1.120 agents d’intérim en 2012 a constitué le coup de grâce.